Dans le cadre de notre DU, Michaël et moi avons organisé le jeudi 6 décembre 2022 une table ronde sur les open badges en collaboration avec le groupe de travail du RFFLabs. Après avoir situé le contexte et notre préparation, je ferai un compte rendu de la soirée et des échanges menés, avant de présenter mon retour personnel sur cette expérience.
Notre préparation :
Michaël et moi nous sommes portés volontaires pour organiser cette table ronde, suite aux propositions du FacLab et du Réseau Français des Fablab, partenaire de cette formation. Je ne connaissais les Open badges que de loin, même si j’avais un compte Open Badges Passport (et un seul badge) depuis quelques années mais comme beaucoup je me demandais quel était l’utilité réelle de cet outil.
Michaël et moi avons d’abord cherché des informations (en particulier sur le site du Dôme), puis sur le Mattermost du RFFLabs, mais aussi en contactant des personnes plus éloignées du monde des fablabs, comme M. Sébastien Bauvet chercheur en sociologie. Nous avons notamment parlé des badges lors de nos stages et de notre présentation à une soirée nocturne du FacLab et aussi discuté entre nous.
Nous avons eu un entretien extrémement intéressant avec M. Bauvet (des extraits préparés par Michaël sont là), qui nous a donné une vision plus large des open badges, comme moyen de valoriser les soft skills et de favoriser l’horizontalité.
Dans un deuxième temps, nous avons cherché à formuler une problématique qui servira de fil conducteur au débat. Nous sommes partis du constat que même si beaucoup d’institutions et de labs s’intéressent aux open badges, (OB) ll existe de l’incompréhension, voire de rejet. En fin de compte leur utilisation est rare sur le terrain. Nous avons voulu nous interroger sur le pourquoi de cette désaffection, et dans un autre temps chercher des solutions afin que la mise en place des OB ne soit plus perçue comme quelque chose de compliqué, inutiles et lourd.
Enfin, j’ai fait les modules 1 et 2 en ligne du programme d’apprentissage Open Badges, proposé par Reconnaître, la branche francophone de l’Open Recognition Alliance. Je recommande ces modules qui permettent de découvir la platerforme Open Badge Factory, les potentialités des OB, de les manipuler et de prendre conscience que ce n’est pas si compliqué.
Nous avons enfin préparé un diaporame (consultable ici), qui aiderait les participants à cerner le sujet et à mener la discussion.

Compte rendu de la rencontre :
Nous étions une petite dizaine de personnes au fablab. Dans le groupe il y a avait Pierre, le responsable de notre formation, Adrien le fabmanager du Faclab, des personnes de la communauté, notre promo d’étudiants ainsi que 3 personnes en visio. Comme “experts” sont intervenus Baptiste Denaeyer et Raphael Legrand (un ancien étudiant du DU).

Nous avons commencé la soirée par une question “que sont les badges pour vous ? “
Il semble que tout le monde s’accorde sur le fait que les OB sont un moyen de valoriser les compétences, ce qui était un bon début.
Nous sommes ensuite revenus sur ce qu’étaient un open badge, qui pouvait le créer et l’utiliser.
Les débats ont très vite commencé sur la légitimité des Open Badges. Des participants ont fait part de leurs craintes de voir l’Open badge devenir un vecteur de discriminations, faisant le tri entre les personnes expérimentées, détentrices de badges d’utilisation des machines, et les autres. Cela serait une façon d’enfermer les personnes dans des rôles (l’expert, le novice..) et d’être stigmatisant. Des questions ont également été posées sur la légitimité des personnes qui délivrent/ endossent l’Open badge.
Des personnes ont aussi posé la question de la création de badges “passeports” pour utiliser les machines dans des fablabs différents sans devoir refaire d’initiations. Selon Baptiste un des fabmanagers présent, c’est une fausse bonne idée. D’une part, les machines et surtout les façons de faire sont rarement identiques d’un fablab à l’autre. D’autre, part les fab managers ont besoin de connaître un peu la personne avant de lui faire confiance. Mais plusieurs personnes ont fait remarquer que dans ce cas les OB ne servent à rien …
Pierre et Baptiste ont précisé que les Universités étaient très intéressées par les Open Badges, qui permettent de booster le profil de leurs étudiants.
Raphaël a partagé son expérience. Son fablab travaille en collaboration avec une mission locale qui propose aux grands adolescents et jeunes adultes de s’initier à la fabrication numérique . Le fablab et la mission locale ne distribuent pas de badges « standardisés » mais accompagnent les jeunes dans la création de leur propres badges retraçant leur parcours personnel. Les personnes peuvent enrichir leurs open badges en y ajoutant progressivement leurs expériences. La mission locale, et ses partenaires, endossent ensuite ces badges. L’endossement permet de reconnaître et de donner de la valeur.
Selon Raphaël, il faudrait que davantage de tiers lieux s’y mettent. Il faut une action concrète, même modeste, comme point de départ. La seule réflexion non suivie d’action n’a pas véritablement d’intérêt. Pierre a évoqué le fait qu’un parallèle peut être fait avec la documentation : on en parle beaucoup, on se dit qu’il faudrait la faire, mais en pratique peu de projets sont documentés.
Pour cet aspect concret, Baptiste reprend l’idée, déjà évoquée en groupe de travail RFFlabs de donner un sticker « physique », après que les gens aient découvert le fablab et pourquoi pas d’autres réflétant leur apprentissage et leur engagement.
L’idée est de s’appuyer sur la pratique “geek” de décorer son PC portable avec des autocollants qui montrant des compétences et aspirations. Au lieu de vouloir commencer avec des open badges numériques, nous pourrions déjà imprimer des stickers aux couleurs de nos fablabs. Cela booste le sentiment d’appartenance, permet de faire connaitre le lieu, d’engager la conversation et donc de créer du lien ! C’est un peu comme une personne qui pourrait porter un signe qui dit “je viens de tel endroit” .
N’importe qui peut créer son Open badge pour montrer ses propres aspirations. C’est donc une façon de faire apparaître les particularités de notre profil, en complément ou non d’un diplôme.
Il a été également souligné que les open badges répondent au besoin de reconnaissance des fab managers. C’est métier nouveau, nous voulons montrer et valoriser toutes nos compétences qui ne sont pas encore reconnues.
Baptiste a également précisé que le terme « open badges » est aussi un mot magique permettant d’attirer l’attention des décideurs. L’open badge est synonyme de modernité, comme les imprimantes 3D ou l’intelligence artificielle, peu importe que l’on sache exactement ce que recouvrent ces termes.
Mon bilan personnel :
Sur la forme et notre organisation
Il n’a pas été simple d’organiser cette table ronde car nous étions les premiers à passer, ce qui laissait peu de temps pour préparer et trouver des intervenants disponibles. La communication s’en est ressentie car nous n’étions pas sûrs jusqu’à quelques jours avant la date d’avoir des « experts » présents. Pour la suite, je pense qu’il est important de développer son réseau afin de faire passer l’information aux bonnes personnes car le thème était relativement technique.
Concernant l’animation, nous avons essayé de répartir équitablement la parole et je pense que nous avons réussi. Nous avons néanmoins le gros regret de ne pas avoir pu diffuser des extraits de l’entretien avec M. Bauvet, car nous étions pris par le temps et les débats (qui parfois étaient vifs).
Sur le fond
J’ai bien envie de continuer à explorer l’univers des Open Badges, de les utiliser pour construire mon CV et de contribuer à les faire découvrir.
Les Open badges permettent de soulever de nombreuses problèmatiques. La reconnaissance est en effet au coeur du système des OB, or se reconnaître, c’est créer du lien et donc faire communauté. Faciliter l’emergence et la vie d’une communauté faisant partie des missions du fabmanager, c’est donc à mon sens impossible d’ignorer cet outil.
Sur un plan plus large, les OB interrogent sur ce qui fait la valeur d’une reconnaissance (diplôme ou autre), et sur la place de la puissance publique dans celle ci. On peut réfléchir à la possible évolution sociale, ou de la société civile décentralisée émergeraient de nouvelles formes de reconnaissance comme les Open Badges. Lors de la soirée, certaines personnes ont aussi fait le parallèle entre OB et compagnonnage, dont les débuts sont antérieurs à l’Etat moderne. Je me dis qu’il faut, pour comprendre les badges, se détacher de notre vision scolaire du diplôme, délivré par une institution reconnue et qui ouvre des droits ( d’où les débats sur les initiations machine).
Comme Pierre, je pense que les difficultés à mettre en place les Open badges sont comparables à celles rencontrées avec la documentation. Peut-être qu’il y aurait plusieurs types d’actions à mener . Tout d’abord une structure pourrait faire connaître les Open Badges (stickers, affichage, événements dédiés…), et essayer de voir avec la communauté quel serait l’intérêt des personnes à s’engager éventuellement dedans. Si certains sont intéressées par le principe, il faut les accompagner dans la découverte et la manipulation de ces outils, par exemple lors d’ateliers, parce que ce n’est pas une démarche qui va de soi. En particulier, nous n’avons pas forcément conscience de nos compétences et nous avons besoin d’un regard extérieur pour construire nos propres Open badges. Si nous continuons le parallèle avec la documentation, il faut que les makers y voient un réel intérêt (personnel) mais il faut aussi acquérir les compétences pour rédiger, prendre des photos, expliquer, construire des supports… Par exemple, la structure dans laquelle j’ai fait mon stage accueille beaucoup de personnes qui sont assez éloignées du numérique et de l’écrit, elles n’iront pas spontanément ouvrir seule un compte sur une plateforme d’open badges. Rien n’est inné et tout apprentissage prend un certain temps.
ll faut ensuite que la structure joue le jeu des Open Badges en faisant partie d’un réseau susceptible d’endosser les badges crées et de nous fournir conseils et soutien (par exemple sur le choix d’une plateforme) . C’est l’idée des collectifs Badgeons notre territoire, dont le plus connu est Badgeons la Normandie (avec le Dôme). Finalement les Open Badges, loin d’être une pratique sélective et discriminante est aussi une façon de créer du commun dans et au dehors du fablab.


Laisser un commentaire